POUR L'ENTREE AU PANTHEON DU TIRAILLEUR
PAYS D'ORIGINE DES TIRAILLEURS INHUMES AU TRABUQUET - MENTON
LETTRE OUVERTE À MONSIEUR EMMANUEL MACRON
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
POUR L'ENTRÉE AU PANTHÉON DU TIRAILLEUR
Monsieur le Président,
« Passant, ils sont tombés fraternellement
unis pour que tu restes Français ». Ces mots de Léopold Sédar Senghor, à la gloire des combattants venus d'Afrique, confirment le rôle irréfutable des
Tirailleurs, dans la renaissance de la République française. République ensevelie dans les brumes du nazisme et de la collaboration des années 1940.
Aux premières heures de l'invasion du territoire de la France par l’armée nazie en mai - juin 1940, les Tirailleurs sont déployés au nord, afin de stopper la progression des troupes allemandes,
au sud-est, pour contrer les troupes fascistes. D’Airaines à Menton, c’est le même combat. Les Tirailleurs se battent, jusqu’à épuisement. Contraints de déposer les armes, ils sont victimes
d’exactions racistes. Certains, sont exécutés sauvagement dans le dos, d’autres, sont broyés, sous les chenilles des panzers. 3 000 Tirailleurs défendant la France, sont ainsi cruellement assassinés
par la Wehrmacht, en mai-juin 1940, en totale violation de la Convention de Genève.
Est-ce Katyn?
Près de 20 000 tirailleurs disparaissent, sous les
coups portés par la guerre raciale des nazis. Ceux qui en échappent, près de 5000 d’entre eux, rejoignent le maquis et alimentent les premiers effectifs de la résistance intérieure, les FFI.
La résistance prend aussi corps en Afrique. Sur les pas de Félix Eboué, Gouverneur du Tchad, ils sont plusieurs milliers de Tirailleurs, à composer la moitié des effectifs de l’armée des Forces
Françaises Libres, donnant une suite à l’appel du général de Gaulle.
Et c’est en Afrique, avec les Tirailleurs, que résonnent les premières salves de la Libération.
Le 9 Septembre 1943, Le Patriote tire en une : “La Corse enfin libérée” et le 15 août 1944 c’est au tour de la Provence - Toulon, Marseille, Fréjus, Cannes, Nice, Menton -. La libération se réalise, avec la participation indéfectible des centaines de milliers de Tirailleurs de l’Empire colonial français : ils sont Africains, Indochinois, Antillais, Polynésiens. 225 000 hommes, commandés par le général de Lattre de Tassigny, payent une seconde fois, l’impôt du sang que réclamait avant la Grande Guerre, Adolphe Messimy, ancien ministre des colonies et de la guerre.
La fin de la Seconde Guerre mondiale fleurit les aspirations aux indépendances. Encore une fois, les Tirailleurs sont massivement mobilisés, dans les guerres de décolonisation en Indochine, en Algérie et dans de multiples opérations de maintien de l’ordre, de part et d’autre de l’Empire colonial, devenu l’Union française en 1946.
Ainsi, pour imposer son pouvoir, l’Empire colonial a usé du bras armé des Tirailleurs, déposant damels et rois entre 1857 - 1898 de l’Atlantique à la Mer Rouge. Les Tirailleurs sont de tous les combats, de toutes les guerres de la France depuis le second XIXème.
Hélas, cet engagement sans faille, pour ceux qui se considèrent plus que Français, n'a jamais été reconnu, à sa juste valeur. Pire, la propagande racialiste fait des Tirailleurs, des hordes sauvages, au service d’une France, traîtresse de la civilisation européenne. La Honte noire, initiée aux premières heures de la Grande Guerre, trouve son apogée dans les années qui suivent : les crimes de masses, commis par les nazis à l’encontre des tirailleurs, dans les années 1940 forcent à dire l’indicible.
On pense, une fois la guerre finie, la France libérée du nazisme, que le Tirailleur soit mieux traité. Pourtant, Les soldes non versées à Thiaroye provoquent l'anéantissement de la colère dans le sang, en décembre 1944. “Tyaroye. Dites, votre sang ne s’est-il pas mêlé au sang lustral de ses martyrs ?” L’entente tacite entre gouvernants français et ceux des Etats nouvellement indépendants, réduit au minimum la pension du Tirailleur.
Est-il vrai que la realpolitik ne peut s'accommoder à la poésie ?
Désillusions et vexations, Tirailleur, la
nationalité française t’est proposée, quand il ne reste plus qu’une poignée de tes compagnons survivants.
Désillusions et vexations, Tirailleur, ta pension peut être perçue, en demeurant hors de France, quand ton effectif est devenu aussi léger qu’une poignée de jujubes.
Enrage ton verbe, Tirailleur. Ces artificiers opportunistes du quotidien, ne peuvent, à jamais apaiser ton âme, en miettes. “Woi ! Entendez ma voix aveugle, génies sourd-muets de la nuit”, crie le poète. Au-delà de l'innommable vexation, tout est perdu, fors l’honneur. Miette d'honneur, au service de la conquête d’une dignité non flouée.
Tirailleur, chantre de la résilience.
Monsieur le Président, le temps passe et la France est toujours la France. Il vous revient, d’entendre l’histoire des Tirailleurs, de mesurer à sa juste valeur, le sacrifice, de ces hommes, qui ont donné sang, corps et âme, pour que nous vivions, aujourd’hui, dans une France libre.
De ces âmes errantes, déchiquetées, encore aujourd’hui, par les barbelés de l’histoire, il vous revient, d’entendre, l’appel puissant qui vous parvient des profondes tranchées de Thémis. Nous sommes un, mille, millions à penser, que le temps des vexations perpétuelles et des burlesques comédies abracadabrandantesques est révolu.
“C'est à vous, monsieur le Président, que nous crions, cette vérité, de toute la force de notre révolte d’honnêtes hommes”.
C’est à vous, monsieur le Président, qu’il revient d’ancrer la mémoire des Tirailleurs dans l’Histoire de France.
C’est à vous, monsieur le Président, qu’il revient d'atténuer les blessures profondes, en ouvrant grandement, les portes du Panthéon, au corps du Tirailleur.
Plus qu’un symbole, vous construisez, par cet acte fort, l’histoire de la France, l’histoire d’une République apaisée.
Fait à Nice, le, 10 Février 2023
Gaspard MBAYE
Président Association Mémoire
du Tirailleur Sénégalais
Pour signer la pétition en ligne : ENTREE AU PANTHEON DU TIRAILLEUR
LETTRE OUVERTE AUX MAIRES DE FRANCE MÉTROPOLITAINE ET DES OUTRE-MER
Madame, Monsieur le Maire,
« Passant, ils sont tombés fraternellement unis pour que tu restes Français. ». L’épitaphe du Monument aux morts de Fréjus à la mémoire des combattants d’Afrique noire de Léopold Sédar SENGHOR résonne.
Les mots du poète matérialisent le rôle crucial des régiments de Tirailleurs sénégalais (RTS) lors du débarquement de Provence, en Afrique du Nord, en Italie et en Corse. Dès 1940, le 25e RTS est déployé à Chasselay-Montluzin afin de stopper la progression des troupes allemandes vers Lyon. Ils se battent jusqu’à épuisement des munitions. Contraints de se rendre, ils sont victimes des exactions racistes commises par les Nazis. Les mitrailleuses des chars ouvrent le feu, exécutent les hommes dans le dos, tandis que les blindés achèvent les blessés sous leurs chenilles. 52 tirailleurs sont massacrés. La même année, le 4e RTS contribue à la défense de Menton (Alpes-Maritimes) contre les troupes italiennes. Dès le 18 juin 1940, Félix Éboué, le Gouverneur du Tchad, une possession française, se déclare partisan du général de Gaulle. Il range le territoire du côté de la France libre. Premier résistant de la France d'Outre-mer, il repose au Panthéon.
En septembre 1943, la Libération de la Corse s’opère grâce au 1er régiment de Tirailleurs Marocains et au 2e groupement de Tabors Marocains avec l’aide des patriotes corses. 15 août 1944, le débarquement de Provence a lieu. 225 000 hommes des RTS, c’est dire des Tirailleurs Sénégalais et Algériens, Goumiers et Tabors Marocains, Pieds-noirs, Marsouins du Pacifique et dissidents des Antilles versent le prix du sang. Certains Polynésiens et Néocalédoniens s’engagent dans le bataillon du Pacifique. C’est toute l’Afrique coloniale, mais aussi toute la France d’Outre-mer, des Antilles à la Nouvelle-Calédonie qui se bat pour l’idéal de liberté, pour la République, s’acquittant d’un lourd tribut pour la France. Ils débarquent en Provence sous le commandement du général de Lattre de Tassigny. C’est sans compter l’aide de la résistance locale. L’Armée « B » libère Toulon, Marseille et Fréjus fin d’août 1944, devançant le calendrier tactique de plusieurs semaines. L’Histoire montre, hélas, que la mémoire collective a trop longtemps blanchi le fait d’arme. La propagande raciste et nationaliste « La Honte noire » amorcée dans l’Allemagne de Weimar au début des années 20 n’est pas anodine.
Malheureusement, ce fut également le cas lors du Premier conflit mondial. En 1914-1918, pas moins de 200 000 « Sénégalais » de l’Afrique-Occidentale française (A.O.F. : Mauritanie, Sénégal, Soudan français [devenu le Mali], Guinée, Côte d'Ivoire, Niger, Haute-Volta [devenue le Burkina Faso], le Togo et le Dahomey [devenu le Bénin]) se battent sous l’étendard français, dont plus de 135 000 rien qu’en Europe. Environ 15 % d’entre eux, soit 30 000 soldats, y trouveront la mort sur un total de 1 397 800 soldats français morts durant ce seul conflit soit plus de 2 % des pertes totales de l’armée française. Il faut y ajouter tous les soldats venus du reste de l’Outre-mer (Antilles, Guyane, Réunion, Madagascar…) qui combattirent dans les tranchées ou aux Dardanelles. Beaucoup sont revenus blessés ou invalides. Lors du 75e anniversaire du débarquement de Provence, le jeudi 15 août 2019 à Saint-Raphaël dans le Var, Monsieur le Président de la République a rappelé que la France a une part d’Afrique en elle, tout en appelant à renommer des rues en hommage aux soldats africains et antillais de l’Armée française qui ont participé à la Libération.
Comme de nombreux fils, petits-fils de Tirailleurs sénégalais et fils, petits-fils de militaires du rang, nous saluons un acte républicain fort et apaisé qui honore la France, et avec elle, la Nation. En conséquence de quoi, nous avons l’honneur de nous faire écho à une mémoire oubliée, celle des RTS d’Afrique et des Antilles – à égale distance celle des familles – souhaitant que vous puissiez prendre part au vœu du chef de l’État en rebaptisant des rues en hommage aux soldats africains et de l’ensemble des Outre-mer qui ont participé à la Libération.
Nous comptons sur votre attention particulière.
Respectueusement
Voir en lien : Les signataires de la Lettre